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mercredi, octobre 16, 2024

« Black Mamba », une héroïne en quête de liberté

La réalisatrice et photographe tunisienne Amel Guellaty compétissait en sélection officielle du 26e FESPACO avec son court métrage « Black Mamba ». D’une durée de 20 minutes, ce film, qui aborde le thème de la liberté de la femme, a su subjuguer les membres du jury du prix Thomas Sankara. C’est ainsi que, pour sa troisième édition, ce prix lui a été attribué.

Un gros plan sur le visage triste d’une jeune fille, qui se trouve dans une salle de bain. On suit le mouvement de sa main qui s’empare du poudrier qu’elle ouvre et se poudre le visage. Ensuite elle applique du rouge à lèvre sur sa bouche. On remarque que cette jeune fille tente de camoufler un visage qui a reçu des coups. C’est ainsi que débute le film « Black Mamba »

La réalisatrice raconte, tout au long du film, le combat d’une jeune femme, du nom de Sarra, qui refuse de se marier parce qu’elle tient à sa liberté.

Mais de quelle liberté s’agit-il ? Est-ce celle de poursuivre ses études en couture ? De choisir son propre mari et pas celui qui lui a été imposé par sa mère ? Le refus de continuer à subir des coups qui marquent son visage ?

La réalisatrice du film, Amel Guellaty

Amel Guellaty dépeint, dans son film, une société dans laquelle la femme n’a pas son mot à dire même quand il est question de son futur. Elle y montre, aussi, une société où la femme est responsable de ses malheurs. Par exemple, lorsque Sarra se rend à son cour de couture, elle est critiquée par d’autres femmes qui, au lieu, de la plaindre en voyant son visage l’incriminent. «  Si on l’a battue c’est qu’elle l’a recherché » affirment ces dernières.

Sarra se sent, alors, comme dans une prison. Elle se retrouve partagée entre son désir de liberté et son devoir de fille qui est de respecter les décisions de sa mère, et celui de la femme qui doit se soumettre aux règles « machistes » de la société.

Tout au long du film, la réalisatrice guide sur une fausse piste, et fait croire, que Sarra est une femme battue par son futur mari. Dès le début du film, face au Miroir de la salle de bain, elle se rappelle d’une discussion entre elle et sa mère. Celle-ci, pour la rassurer, lui disait que malgré le fait que son futur mari, Mahmoud, l’avait battue, qu’il possédait, également, des qualités à ne pas négliger.

Alors, on se dit, sans aucune hésitation, que ce film traite du thème de la violence faite aux femmes. Mais contre toute attente, il y a un renversement de situation, car si Sarra a le visage marqué par des coups, c’est par ce qu’elle pratique la boxe.

Le rideau est alors levé, et l’on suit cette « Black Mamba » qui, tous les soirs, avec la complicité de son grand frère, quitte sa maison, à l’insu de sa mère, pour aller combattre sur des rings. Sarra a soif de liberté. Et cela passe, d’abord, par son envie d’évoluer dans la boxe. Cette discipline qui compte peu de femmes.

La réalisatrice aborde, ainsi, le thème de la liberté de la femme. Une thématique qui, depuis des années, a été le combat de nombreux réalisateurs. Déjà, en 1976, « Muna Moto » de Jean-Pierre Dikongué-Pipa abordais ce thème. En effet, dans ce film du réalisateur camerounais, l’héroïne affirme sa liberté en voulant épouser l’homme qu’elle aime malgré l’incapacité de ce dernier à payer sa dot. Elle fait face, en plus, à la pression de ses parents pour qu’elle épouse un homme plus riche.

Alors, « Black Mamba » est l’histoire d’une jeune femme d’apparence ordinaire au revenu modeste mais qui cache, en réalité, le rêve de devenir une grande boxeuse. Ce qui marque dans ce film, c’est la subtilité avec laquelle la réalisatrice a glissé dans l’histoire des détails qui expliquent que Sarra est une boxeuse. Par exemple dans une scène, l’héroïne cour à vive allure dans la rue. Peut-être, tentait-elle de fuir cette violence qui l’oppresse tant ? Cette scène, sans qu’on le sache, montre qu’elle est une sportive, une boxeuse. Si l’on se rappelle des films comme Rocky Balboa, le boxeur le plus célèbre du cinéma, il y a des scènes comme celles-ci où l’acteur, Sylvester Stallone s’entraine en courant dans la rue.

En outre, ce film a su accrocher les spectateurs avec la musique. Au début du film elle est lente et peu audible. Mais par la suite, il y a une puissance dans la musique, lorsque Sarra est sur le ring, face à son adversaire, pour un combat qui lui sera décisif pour la suite de sa carrière. Et à la fin, la musique se fait plus douce, plus gaie, plein d’espoir quand Sarra, habillée en robe de mariée et ayant sa cape et ses gants de boxe sur ses épaules, se retrouve dans un bus pour aller poursuivre sa carrière.

Le jury Prix Thomas Sankara remettant le prix à Nadia El Fani représenatant la lauréate

On retient, également dans ce film, les plans qui sont toujours rapprochés, ce qui permet d’être lié à l’héroïne et de vivre ce qu’elle vit. Quant à la lumière au début, elle est plutôt faible. Cela, traduit ses angoisses, ses peurs, ses craintes. Par contre, dans la dernière scène du film, lorsque Sarra est dans le bus, la lumière augmente en intensité. Là, la réalisatrice voudrait transmettre le message selon lequel, Sarra est heureuse, et qu’il y a de l’espoir pour elle d’être libre en pratiquant la boxe.

Aborder un tel thème avec peu de dialogues mais qu’au fil des minutes l’on comprenne de quoi traite le film, est une des forces de « Black Mamba ». A cela s’ajoute le jeu convaincant des personnages. Sarah Hannachi qui a incarné l’héroïne du film a été crédible car elle a su transmettre les émotions. Elle a su transmettre l’angoisse ressentie par Sarra au moment où elle s’acharnait sur le sac de frappe avant de monter sur le ring. Elle mettait toute sa rage dans ses coups, avant de fondre en sanglots dans les bras du frère de Sarra.

Amel Guellaty, à travers « Black Mamba », aborde un thème qui, malgré dans années de lutte, est toujours d’actualité. En effet, la problématique de la liberté de la femme, dans nos sociétés, demeure un combat perpétuel.

Anaïs KERE

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