A l’exception des initiés, très peu le citent parmi les films burkinabè. Pourtant,
‘‘Le sang des parias’’ est considéré comme l’œuvre ayant ouvert la voie à la cinématographie au Burkina Faso, alors Haute-Volta.
Même si elle porte la signature d’un homme, Mamadou Djim Kola, la réalisation de ce film a été portée par tout un pays.
Quand ‘‘Le sang des parias’’ est projeté pour la première fois en 1973, il est un signe de fierté pour toute une nation. Depuis 1969, la Haute-Volta accueille le festival du cinéma africain sans pouvoir présenter un film écrit et réalisé par un de ses fils. Pour les autorités de l’époque, cela n’est pas concevable. Commence alors une quête pour trouver celui qui allait porter l’espoir de tout un pays. Il est vite repéré en la personne de Mamadou Djim Kola. L’ancien instituteur, mordu de cinéma, fait partie des rares voltaïques en études cinématographiques en France. Il est rappelé à cet effet.
Il écrit ‘‘Le sang des parias’’ et le tournage débute en 1971, entièrement financé par l’Etat. Une année plus tard, le film est prêt. Mais, il est présenté, l’année suivante, aux festivaliers à l’occasion de la quatrième édition du festival du cinéma africain, et surtout aux voltaïques. Ces derniers découvrent, pour la première fois, des visages familiers portés sur le grand écran par un compatriote. Il s’agit, principalement, de ceux de Boubacar Ouédraogo, Mariam Fofana, Aminata Diawara et Georges Ouédraogo. Mieux, ils se voient racontés à travers l’histoire d’un amour impossible entre une jeune étudiante, issue d’une famille dite moderne, et un homme descendant de la caste des forgerons. L’honneur est sauf et l’organisateur de ce qui était devenu le FESPACO peut dignement rejoindre le cercle des pays faisant du cinéma.
‘‘Le sang des parias’’ est, également, salué par les professionnels. Il se voit décerné le prix d’encouragement du festival. Par la suite, il sillonnera divers autres festivals en tant que pionnier des films de fiction burkinabè. A sa suite, son réalisateur, absorbé par l’administration cinématographique, alors en structuration et ce à quoi il contribue grandement, ne fera que des courts métrages dont ‘‘Cissin… 5 ans après’’ en 1976. Son second long-métrage, ‘‘Tounga’’ (ou Les étrangers) n’est réalisé qu’en 1992 et traite, de manière prémonitoire, de conflits inter-ethniques. Mamadou Djim Kola réalisera, plus tard en 1998, le documentaire ‘‘Abo’’, le portrait de Léonie Abo, la veuve d’un des ministres de Patrice Lumumba. Un certain onze décembre de l’an 2012, au moment où le pays célèbre le quarante-quatrième anniversaire de son indépendance, le cinéaste décède à soixante-douze ans.
Plusieurs films suivront les traces de celui de M. Djim Kola. Parmi eux, ‘‘Sur le chemin de la réconciliation’’, 1973, de René Bernard Yonli, ‘‘Pawéogo’’, 1982, de Kollo Daniel Sanou. Près de cinquante ans après ‘‘Le sang des parias’’, le cinéma burkinabè a fait du chemin, remportant à deux reprises, le prestigieux Etalon de Yennega grâce à Idrissa Ouédraogo en 1991 avec ‘‘Tilaï’’ et Jean-Marie Gaston Kaboré en 1997 avec ‘‘Buud Yam’’. Même si cette consécration tarde à échoir de nouveau à un burkinabè, les réalisations ne manquent pas et le défi n’est plus de simplement assurer la relève, mais de faire mieux que le père.
Anaïs Kéré et Annick Rachel Kandolo